Parmi les remarques que j’ai inlassablement entendues au cours de ma vie de photographe, revient cette question si innocente et si récurrente – « pourquoi c’est tout flou ? ». Dans cet article, je vais vous expliquer pour quelles raisons techniques une grande partie de mes images vous donne cette impression de « flou », et pourquoi ça correspond à un choix esthétique de ma part.

Que ceux qui n’y connaissent rien en technique photo ne s’alarment pas : je tenterai d’être le plus claire et simple possible.

Parmi tous les paramètres que l’on module pour prendre une bonne photo, il y a ce que l’on nomme l’ « ouverture ». Cette ouverture correspond à la largeur avec laquelle va s’ouvrir le diaphragme pour faire entrer la lumière et permettre à la photo de voir le jour.

Plus le diaphragme s’ouvre, plus la lumière rentre, et plus la photo est lumineuse. Vous imaginez bien qu’avec mon style de photo très clair, j’ai tendance à faire entrer le plus de lumière possible dans mon objectif ! Sur le plan technique, j’ouvre donc le diaphragme au maximum. Ce dernier dépend de la capacité de chaque objectif. En charabia de photographe, on dit que l’objectif photo « ouvre à f/[X].[X] ». Et pour agrémenter la sauce d’un zeste d’incohérence, plus le chiffre est petit, plus l’ouverture est grande – et donc, à l’inverse, plus le chiffre est grand, plus l’ouverture est petite. Par exemple, un objectif qui ouvre à f/1.8 fait entrer plus de lumière que celui qui ouvre à f/3.5. Les meilleurs objectifs photo en termes d’ouverture du diaphragme sont ceux qui vont jusqu’à f/1.2. Pour ma part, j’ai un matériel dont les objectifs ouvrent à f/1.4.

Je m’arrête ici pour les aspects techniques qui n’ont pas leur place ici, mais tout cela pose déjà certaines bases pour vous permettre de comprendre.

 

Quand un objectif ouvre très grand (à f/1.2, f/1.4, f/1.8…), l’endroit où l’objectif opère la mise au point – c’est-à-dire l’endroit où la photo sera le plus nette – est très réduit. Le reste de l’image est flou. On dit que la « profondeur de champ » est très réduite.

Ainsi, quand on prend une photo à grande ouverture d’une personne, l’arrière-plan se détachera beaucoup en devenant tout flou. Quand on prend une photo de détails, le petit objet qu’on a choisi de mettre en valeur est net, mais le reste est progressivement flou. Quand on prend deux personnes qui ne sont pas à la même distance de l’objectif, celle sur laquelle la mise au point a été faite est floue, mais l’autre est nette.

Alors pourquoi tout cela est-il, à mes yeux, une force de mes photos, et non un inconvénient ?

Attention, c’est là que je rentre dans ma philosophie de la photographie – ceux que les aspects techniques auront perdus prendront peut-être plus de plaisir à cette lecture.

 

Là où j’apprécie que la profondeur de champ soit réduite – c’est-à-dire qu’un endroit restreint de l’image soit net, et le reste flou –, c’est que ça a, à mes yeux, un pouvoir narratif très fort.

Quand, sur une image, je ne montre nettement qu’un seul endroit qui soit net, c’est que je veux attirer l’œil à tel endroit. Or, cela permet au photographe de dire à ceux qui regardent l’image : « c’est cela que je voulais vous montrer ». Naturellement, vous pourrez me dire que cela est très dirigiste, et qu’une bonne image devrait davantage être une composition où celui qui regarde est libre de poser son oeil là où il le veut, et d’interpréter l’image comme il l’entend.

 

Mais ce que j’aime faire, en photo de mariage, c’est raconter une histoire. Donc, j’aime que mes images vous prennent par la main, et vous disent dès que vous les voyez « c’est ça qui était beau ».

Ce que j’aime aussi, dans les images dont une grande partie est floue, c’est que l’on a quelque chose d’épuré qui se dégage : a-t-on besoin de montrer toute la scène quand on souhaite saisir l’essence de celle-ci ? Personnellement, j’aime quand les choses sont suggérées, et non montrées entièrement, car cela laisse de la place à l’imagination. En focalisant l’attention sur un point de l’image, je saisis l’essentiel du moment, en le racontant de manière simple. Less is more.

Enfin, ce que j’adore, dans ces flous d’arrière-plan, c’est le doux mélange des couleurs et des formes, qui se perdent comme dans un rêve. C’est ce qui donne ce côté onirique, éthéré, à mes images.

Alors, me demanderez-vous, est-ce que je raconte les mariages que j’immortalise uniquement en montrant des petits endroits nets de l’image ? Non ! Bien sûr que non ! Le flou est relatif, car plus l’on s’éloigne du sujet que l’on prend en photo, plus l’ensemble de l’image est net. Un paysage pris à f/1.4, par exemple, restera relativement net sur l’ensemble de la photo.

Alors voilà, maintenant vous savez pourquoi c’est « tout flou » sur beaucoup de mes photos. Je reconnais que ce n’est pas un style photographique qui correspond à tous les besoins – en photographie de mode, d’objets commerciaux, par exemple, il vaudra mieux que l’ensemble de l’image soit net, pour que les clients prêts à acheter les articles mis en avant aient une idée complète de l’objet avec lequel ils vont se retrouver.

Mais en photographe de mariage, je suis personnellement convaincue que la douceur du flou, que la quintessence du moment soulignée par la faible profondeur de champ, et que la luminosité que tout cela nous permet d’avoir sont particulièrement indiquées pour restituer la beauté de votre union.